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Territoire algonquin Anishinaabeg/Ottawa, ON – La récente fuite de l’avant-projet d’une décision majoritaire de la Cour suprême des États-Unis révèle que la Cour s’apprête à invalider l’arrêt historique Roe v. Wade. Il s’agit d’une nouvelle extrêmement préoccupante pour les femmes aux États-Unis, mais également au Canada.
En 1973, la Cour suprême des États-Unis a statué dans l’affaire Roe v. Wade que la Constitution américaine protège le droit fondamental d’une femme de choisir d’avorter. L’annulation de l’arrêt Roe v. Wade entraînerait une grave atteinte aux droits fondamentaux des femmes, compromettrait la santé et la sécurité de celles qui souhaitent avorter et aurait un effet préjudiciable disproportionné sur les femmes marginalisées et racisées.
Dans l’avant-projet qui a fait l’objet d’une fuite, publié le 2 mai dernier, le juge Samuel Alito déclare : « Il est temps de prendre en compte la Constitution et de renvoyer la question de l’avortement aux représentant.es élu.es du peuple. » Mais comme le réfute Kerri Froc, présidente du Comité directeur national (CDN) de l’Association nationale Femmes et Droit :
« Les droits fondamentaux sont garantis par la constitution afin de protéger les groupes parmi les plus marginalisés. L’accès sécuritaire et légal aux services d’avortement fait partie des droits fondamentaux des femmes à la liberté et à la sécurité de sa personne. Au Canada, ces droits sont reconnus à la fois à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et confirmé par la décision de notre propre Cour suprême en 1988 dans l’affaire R c. Morgentaler. L’accès à l’avortement est également essentiel à la participation égale des femmes à la société et leur droit fondamental à l’égalité est garanti par les articles 15 et 28. »
En effet, en 1988, les restrictions criminelles sur l’avortement ont été invalidées dans notre propre décision historique de la Cour suprême du Canada – R. c. Morgentaler. Dans cette affaire, la Cour a statué que « les dispositions du Code criminel relatives à l’avortement étaient inconstitutionnelles parce qu’elles violaient les droits à la liberté et à la sécurité de sa personne garantis aux femmes par la Charte ». Mais comme le prévient Martha Jackman, professeure de droit constitutionnel et ancienne présidente du CDN : « Nous ne pouvons jamais considérer l’égalité des femmes comme acquise. La Charte canadienne garantit clairement l’autonomie reproductive des femmes. Mais si la liberté de choix est un droit fondamental, l’accès à un avortement sécuritaire pour toutes les femmes dans toutes les régions du pays est encore loin d’être une réalité au Canada. »
La relation directe entre l’accès à l’avortement et l’égalité et la précarité des gains des femmes sur cet enjeu sont parmi les raisons pour lesquelles l’ANFD a fait des droits reproductifs une priorité dans son dernier plan stratégique. Nous ne sommes pas à l’abri d’une atteinte à nos droits et nous faisons toujours face à des défis importants ici au Canada, en raison :
- DE L’ACCÈS : Le Canada doit étendre l’accès à ses services d’avortement à l’ensemble du pays. Bien que l’avortement soit un service assuré en vertu de la Loi canadienne sur la santé, le nombre d’établissements offrant des services d’avortement au Canada est limité : seulement un hôpital sur six au pays offre l’avortement. L’inégalité en matière d’accès aux services d’avortement est très répandue, en particulier dans le nord, dans les communautés rurales et éloignées, ainsi que pour les francophones qui accèdent aux services d’avortement hors du Québec, en raison notamment d’un financement public inadéquat et d’un financement provincial inégal. Cela entraîne des déplacements longs et coûteux pour les femmes qui vivent dans des régions éloignées ou rurales, qui doivent assumer des coûts supplémentaires parfois prohibitifs tels que la garde d’enfants, les soins aux aîné.es, l’hébergement, la perte de salaire. Ces obstacles à l’accès ont un impact disproportionné sur les femmes autochtones, qu’elles vivent dans les réserves ou hors réserve. En outre, malgré la garantie d’accessibilité prévue par la Loi canadienne sur la santé, tous les services d’avortement ne sont pas couverts par les régimes d’assurance maladie provinciaux, ce qui augmente les coûts pour les femmes et a une incidence disproportionnée sur celles qui vivent dans la pauvreté. L’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ne sont que quelques exemples de provinces qui ont pris du retard dans l’offre de services d’avortement sécuritaires et légaux. Par exemple, la Clinique 554 de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, a dû fermer ses portes, ce qui fait qu’il ne reste que trois hôpitaux dans toute la province offrant des services d’avortement sécuritaires.
- DU FINANCEMENT : Sous l’ère du gouvernement conservateur Harper, des coupes importantes ont été faites dans le financement des organisations de femmes et d’autres groupes qui défendent l’accès à l’avortement au Canada et au niveau international. Il est crucial d’appuyer les organisations, dont l’ANFD, qui défendent l’accès des femmes à des avortements sécuritaires et légaux. Cela est particulièrement important compte tenu de la capacité financière et des ressources disproportionnées dont disposent les groupes anti-choix et pro-vie qui luttent pour criminaliser de nouveau l’avortement au Canada.
- DES DISCOURS : Bien que nous applaudissions les dirigeant.es politiques et les organisations de tout le pays qui ont exprimé un soutien clair au droit des femmes à l’avortement, de nombreux politicien.nes sont resté.es silencieux/silencieuses. L’incapacité à défendre les choix reproductifs, mais également la volonté de porter atteinte à ces choix, de même que la montée des groupes d’intérêt anti-choix de l’extrême droite, représentent un réel danger pour les droits des femmes, voire pour les valeurs des droits de la personne au Canada.
Comme le conclut Tiffany Butler, directrice générale de l’ANFD :
« Malgré des décennies de militantisme féministe, de litiges et de réformes législatives, la promotion des droits sexuels et reproductifs des femmes a toujours été, et continue d’être, un point central du plaidoyer féministe de l’ANFD. Nous avons le devoir de nous souvenir du travail crucial en matière d’activisme féministe et de réforme du droit qui a été accompli jusqu’à présent, sans lequel nous ne jouirions pas des droits que nous avons actuellement. Et pourtant, nous devons aussi reconnaître tout le travail qui reste à faire et admettre que nous ne jouissons pas toutes de la même manière du droit à un avortement sécuritaire. Il existe des obstacles à l’accès à l’avortement qui se croisent et se combinent et qui ont une incidence disproportionnée sur certains groupes de femmes, de filles, d’hommes trans et de personnes non binaires par rapport à d’autres. Nous devons nous battre aux côtés de toutes celles et ceux dont les droits reproductifs sont en péril, demeurer vigilantes, rester actives et faire entendre nos voix sur cette question. »
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