The Protection of Family Assets in Quebec

28 May 2007
May 28, 2007

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Les ententes «prénuptiales» deviennent de plus en plus populaires en Amérique du Nord. Ces contrats privés permettent aux parties de mettre de côté les dispositions égalitaires des lois sur le droit de la famille. Elles visent généralement à protéger le patrimoine de l’époux le plus riche, qui se trouve plus souvent qu’autrement à être un homme. Le régime québécois de protection du patrimoine familial – duquel les parties ne peuvent déroger lors du mariage – est à cet égard un modèle intéressant, puisqu’il vise à protéger les intérêts économiques des conjointes les plus vulnérables.

En 1866, le Code civil du Bas Canada consacre l’incapacité juridique de la femme mariée sous tous les régimes matrimoniaux et la range au nombre des personnes privées du pouvoir d’exercer seules leurs droits civils, à côté des mineurs et des interdits pour démence ou pour prodigalité. Le régime matrimonial légal est celui de la communauté de biens selon lequel le mari, chef de famille, est également le chef de la communauté.

Contrairement aux effets du régime de la communauté de biens sur la capacité de la femme mariée, la conjointe séparée de biens par contrat de mariage peut administrer ses propres biens. Sauf quelques exceptions, elle garde ainsi la libre administration et disposition de tous ses biens, mais elle ne peut les aliéner sans le consentement de son mari. Toutefois, sous ce régime, elle renonce d’avance à toute part des biens, actuels ou futurs, de son mari.

En 1968, le divorce devient véritablement accessible et socialement acceptable. Dans ce contexte, le régime de la séparation de biens entraîne des injustices et des iniquités importantes. Le cas typique concerne la femme à la maison mariée sous le régime de la séparation de biens. Tous les biens sont enregistrés au nom du mari. Au moment de la dissolution du mariage, le mari est propriétaire de tous les biens du couple et la femme, dépendante financièrement, se retrouve sans propriété et sans source de revenus puisqu’elle s’est occupée des enfants pendant la vie conjugale.

Afin de contrer ces injustices, le législateur intervient à maintes reprises. Il adopte successivement le régime légal de la société d’acquêts en 1970 et la prestation compensatoire en 1980.

Toutefois, en 1985, après des décisions particulièrement conservatrices des tribunaux du Québec, le législateur commence à rectifier sa position et à élaborer la Loi sur le patrimoine familial qui fut adoptée en 1989. L’introduction du patrimoine familial vise précisément à faire partiellement échec au régime de la séparation de biens en imposant une certaine solidarité entre les époux qui vivent une rupture conjugale. En effet, toute contribution à cette entreprise familiale est reconnue, que le travail ait été ou non rémunéré.

Le patrimoine familial inclut donc tous les biens qui ont servi à l’usage de la famille pendant la durée de la relation familiale, et cela peu importe leur date d’acquisition. Il est composé des biens suivants : «les résidences de la famille ou les droits qui en confèrent l’usage, les meubles qui les garnissent ou les ornent et qui servent à l’usage du ménage, les véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille et les droits accumulés durant le mariage au titre d’un régime de retraite».

Les dispositions du patrimoine familial ont été adoptées le 21 juin 1989 et sont entrées en vigueur le 1er juillet 1989 suivant. Le législateur a voulu donner à ce nouveau régime une portée générale et universelle ainsi qu’un caractère absolu et d’ordre public. Ainsi, tous les mariages, quel que soit le régime matrimonial adopté, qu’ils aient été contractés avant ou après l’entrée en vigueur de la loi (sauf les rares désengagements permis), sont assujettis aux nouvelles dispositions. Le régime est un effet du mariage et le contenu du patrimoine familial ne peut faire l’objet de négociation puisque la loi en détermine les règles impératives.

Notes
1 – Article 415 Code civil du Québec
2 – Loi modifiant le Code civil du Québec et favorisant l’égalité économique entre les époux, L.Q. 1987, c. 18.

Marie-Claire Belleau est la professeure agrégée à l’Université Laval.

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The National Association of Women and the Law is a not-for-profit feminist organization that promotes the equality rights of women through legal education, research and law reform advocacy.
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